Sortir du confort du dominant
Une tentative de réflexion, pour nous, les hommes
La libération de la parole autour des violences subies par les femmes est en train de s’amplifier avec les hashtag #balancetonporc et #MeToo suite à l’affaire Weinstein.
Et il faut bien reconnaître que c’est assez confortable d’être un mec, en comparaison d’être, par exemple, un musulman, dans la mesure où personne ne m’a demandé depuis 48h00 de me désolidariser de mes congénères en postant une photo de moi dans mon salon avec un carton #NotInMyName.
Et pourtant…
Comme le remarquait Virginie Despente :
« Je trouve [les hommes] extrêmement lents à s’emparer de sujets qui les concernent directement et qui pourraient les concerner exclusivement, comme le viol. […] Je trouve les mecs extrêmement lents à s’emparer de la question de la masculinité […]. A chaque fois qu’un mec viole, ça les concerne tous, au sens ou c’est leur virilité qui s’assoit là-dessus. Quand ils se trimbalent en ville en maîtres du monde, c’est sur le travail des violeurs qu’il s’appuient. » [1]
Il me semble qu’en effet au lieu de faire du #mansplaining ou de reproduire au sein du féminisme les oppressions dont nous profitons déjà dans la société [2], nous pourrions nous aussi nous emparer du sujet, simplement pour nous demander « et nous, qu’est-ce qu’on fait ? »
Mais, « comment on motive des hommes qui profitent largement d’un système à “en sortir” pour contribuer à créer autre chose, d’autres relations […] ? » [3].
Peut-être en se saisissant de deux sujets essentiels : la virilité et l’éducation.
Et nous, les hommes, qu’est-ce qu’on fait de notre « virilité » ?
Nous acceptons, pour nous-même, cet enfermement dans notre stéréotype de genre et ses valeurs viriles que sont la compétitivité, l’agressivité, la domination
Nous acceptons, par notre indifférence ou notre complaisance, les attitudes, gestes, mots, connivences qui sont le sexisme-en-actes, ignorent la question du consentement et nourrissent la culture du viol.
Il nous revient de défendre d’autres aspirations, de faire vivre d’autres modes relationnels, d’inventer une virilité émancipée de sa violence et de ses concours de quéquettes,
Et nous, les hommes, comment éduque-t-on nos garçons ?
Nous acceptons, pour nos fils, de participer à la construction d’une norme sociale qui « relayé par la communauté des pairs et la société civile, valorise les comportements virils et encourage les garçons à […] : enfreindre les règles, se montrer insolents, jouer les fumistes, monopoliser l’attention, l’espace, faire usage de leur force physique, s’afficher comme sexuellement dominants. » [4].
Nous participons à la « fabrique des garçons », nous les co-optons dans la “Maison des Hommes”, en leur refusant le droit à pleurer, l’accès aux émotions, à la verbalisation, en distillant l’idée qu’« "Est un homme véritablement viril celui qui est insensible à la souffrance, ne refuse jamais une tâche par peur, et inflige lui-même la souffrance ou la douleur à autrui. Celui qui déroge à cette loi est un gars qui n’en a pas, un « pédé » […]. Ces comportements ne sont pas de simples manifestations stupides de virilité. Ce sont des dispositifs mis en place pour combattre la peur, des stratégies collectives de défense." » [5].
Nous acceptons de naturaliser des conduites que, ce faisant, nous encourageons. Nous cautionnons des discours à faible teneur scientifique ou sociologique arguant que les garçons auraient plus de mal à gérer leurs pulsions, que leur sexualité aurait naturellement telle ou telle spécificité dominatrice, que la conformation de leur cerveau ou de leur appareil uro-génital seraient plus propices à des techniques de séduction apparentées au pillage.
Nous participons à la reproduction d’une éducation genrée, construite culturellement, dès le plus jeune âge de nos enfants [6].
En faisant allégeance à une sexualité virile stéréotypée, nous, leurs modèles, les confortons dans des mécanismes d’identification qui participent, là encore, à la culture du viol [7].
Nous ne sommes pas seulement « lents », nous sommes aussi responsables, complices, bref : coupables. C’est pourquoi, il nous revient également, en tant qu’hommes, de sortir du déni, de dépatriarcaliser la société, de déconstruire la virilité stéréotypée, d’éradiquer la culture du viol.
Et sur ce chemin, le premier pas pourrait être ceci.